Les lettres festales étaient des lettres envoyées par les évêques d’Alexandrie à l’occasion de la fête de Pâque. La lettre festale 39 d’Athanase Alexandrie, datée de 367, est particulièrement connue car elle est la plus ancienne attestation d’un canon du Nouveau Testament comprenant 27 livres.

La lettre n’est pas complète, mais le plan est le suivant :

I. Christ maître

II. Perfection de l’Ecriture pour l’instruction

III. Informations diverses

Toutefois, si cette lettre est souvent citée, elle est peu lue directement car difficilement accessible.

Une première traduction française avait été effectuée par Louis-Théophile Lefort en 1965 : S. Athanase, Lettres festales et pastorales en copte (CSCO 151-152), mais je reprends la traduction plus récente de Gabriella Aragione (2005, pp. 207-211). Je n’ai recopié que la partie qui concerne directement le canon des Ecritures.

 La traduction

    « Nous, au contraire [des hérétiques], célébrons la fête encore maintenant selon les traditions de nos pères ! Nous avons les saintes Ecritures qui nous suffisent à nous instruire complètement. Si nous les lisons avec attention et bonne conscience nous serons comparables à l’arbre planté sur le cours des eaux, et qui donnera son fruit à son temps, et ses feuilles ne se faneront pas. Mais puisque j’ai dit que les hérétiques sont des sots et que nous avons les Ecritures, souffle de Dieu, pour que nous soyons sauvés par elles, et puisque je crains que, à cause de l’astuce des hommes, des gens simples ne s’égarent loin de la simplicité et de la pureté qui mène au Christ, comme Paul l’a écrit aux Corinthiens, et qu’ils ne commencent en outre à lire dans les livres apocryphes, abusés par le nom des livres vrais, comme si ceux-là comptaient parmi ceux-ci, je vous en prie, donc, supportez de voir si les livres que vous connaissez sont ceux que je vais vous écrire par l’amour et le besoin de l’Eglise.

      En décidant de les rappeler, je vais me servir de la formule de l’évangile de l’évangéliste Luc en guise de soutien à mon audace et en disant moi aussi ainsi : « Puisque certains ont entrepris d’écrire pour eux-mêmes les livres qui se sont appelés apocryphes et les ont placés avec les Ecritures inspirées par Dieu, celles dans lesquelles nous avons foi, comme les ont données à nos pères ceux qui ont vu de leurs yeux depuis le début et qui sont devenus les serviteurs de la parole, il m’a paru bon à moi aussi, qui connais dès le début et qui suis encouragé par des frères sages, de vous montrer les livres canonisés qui nous ont été donnés car ils sont crus d’origine divine, afin que celui qui a été trompé condamne ceux qui l’ont égaré, mais que celui qui est resté sain, se réjouisse quand on lui rappelle les livres canonisés.

     Ceux de l’Ancien Testament sont au nombre de vingt-deux : ce sont en effet ceux qui nous ont été transmis comme étant aussi chez les Hébreux. L’ordre de lecture et leurs noms sont : le premier est la Genèse, après elle l’Exode, puis le Lévitique ; après ceux-là, les Nombres et le Deutéronome et encore Jésus de Navé, les Juges et Ruth ; après cela les quatre livres des Rois, (1) le premier et le second livre comptés pour un, le troisième et le quatrième comptés pour un ; après ceux-là, les deux livres des Paralipomènes (2), comptés pour un ; après cela Esdras, également encore le premier et le deuxième livre comptés pour un (3) ; après cela le livre des Psaumes et des Proverbes, ensuite l’Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques ; outre ceux-là Job et puis les prophètes, les Douze prophètes, comptés pour un seul livre ; après ceux-là Esaïe et Jérémie auxquels se joignent Baruch, les Lamentations et la Lettre ; après celui-ci Ezéchiel et Daniel. Jusqu’ici ce sont les livres de l’Ancien Testament.

    Quant à ceux du Nouveau Testament, il ne faut pas hésiter à les nommer. Ce sont les quatre évangiles : selon Matthieu, selon Marc, selon Luc, selon Jean ; ensuite les Actes des apôtres et les sept épîtres dites catholiques ; une de Jacques, deux de Pierre, trois de Jean et une de Jude ; outre ceux-là, les quatorze épîtres de l’apôtre Paul, écrites selon l’ordre que voici : la première aux Romains, puis les deux aux Corinthiens, celle aux Hébreux, puis celle aux Galates et celle aux Ephésiens, ensuite celle aux Philippiens et celle aux Colossiens, après celle-là les deux aux Thessaloniciens : ensuite les deux à Timothée et celle à Tite, ensuite celle à Philémon et après cela l’Apocalypse.

    Ce sont les sources du salut de sorte que celui qui est assoiffé jouisse des paroles qui y sont contenues. Car c’est en celles-ci qu’est annoncé l’enseignement de la piété. Que personne n’y ajoute ni y retranche. En effet, c’est à leur sujet que le Seigneur réprimanda les Sadducéens en disant : « Vous vous trompez, car vous ne connaissez pas les Ecritures ni la puissance de Dieu ». Et encore, il enseigna aux Juifs en disant : « Scrutez les Ecritures, car ce sont elles qui me rendent témoignage ».

     Pour vous fortifier davantage, je vais ajouter à ce que j’ai dit cet autre mot nécessaire : il y a d’autres livres en dehors de ceux-là, ils n’ont pas été canonisés mais définis par nos pères afin que les lisent ceux qui sont récemment entrés et qui désirent apprendre le discours de la piété : la Sagesse de Salomon, la Sagesse du fils de Sirach, Esther, Judith, Tobie, la Didascalikè des Apôtres –je ne parle pas de celle dont on dit qu’elle condamne le Deutéronome– et encore le Pasteur.

     Toutefois mes biens aimés, lorsque nos pères ont canonisé les premiers livres et ont néanmoins défini ceux destinés à la lecture, ils n’ont fait absolument aucune mention des apocryphes, mais pareille astuce est le fait des hérétiques. En effet, ce sont eux qui les écrivent quand ils veulent et ajoutent une chronologie, afin de les faire passer pour anciens et trouver la manière de tromper les gens simples. C’est une grande dureté de cœur de la part de ceux qui font ces choses-là et c’est ne pas craindre la parole qui est écrite : « N’ajoutez pas à la parole ce que je vous ordonne et n’y retranchez pas ». Qui a fait croire aux simples que ces livres-là sont d’Hénoch, alors qu’il n’existe pas d’Ecriture avant Moïse ? D’où diront-ils qu’Esaïe a des livres apocryphes, lui qui annonçait la bonne nouvelle sur des monts élevés avec franchise et disait : « Je ne parle pas en secret ni dans un lieu d’une terre ténébreuse ? » Comment Moïse aurait-il des livres apocryphes, lui qui dicta le Deutéronome prenant le ciel et la terre comme témoins ? »

 

 Notes

(1) : Dans la traduction de la Septante 1-4 Rois (ou Règnes) désignent 1 et 2 Samuel et 1 et 2 Rois

(2) : Les Livres des Paralipomènes sont les Livres des Chroniques dans la Septante

(3) : Les deux livres d’Esdras sont Esdras et Néhémie