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Selon une étude menée en 2013 par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), la France est le premier pays d’asile pour les femmes et les filles victimes de mutilations sexuelles féminines. 

 

 

Définition et Classification

Les mutilations sexuelles sont aussi brutales que leur nom l’indique.

Les mutilations génitales féminines / l’excision (MGF/E) comprennent toutes les interventions portant sur l’ablation partielle ou intégrale des organes génitaux féminins externes ou toute autre blessure causée aux organes génitaux de la femme, que ce soit ou non pour des raisons médicales.

En 2008 l’Organisation Mondiale de la Santé a publié la classification des différents types de mutilation génitale féminine/excision comme suit :

• Type I qui est couramment connu sous le nom de “clitoridectomie” et portant sur l’ablation partielle ou intégrale du clitoris et/ou du prépuce.

• Type II où l’excision comprend l’ablation partielle ou intégrale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres.

• Type III où l’infibulation rend plus étroite l’orifice vaginal, créant une couverture fermée en coupant et appositionnant les petites lèvres et/ou les grandes lèvres, avec ou sans l’excision du clitoris.

• Type IV comprend toute autre forme et type d’intervention nuisible ou dangereuse aux organes génitaux de la femme pour des raisons non-médicales, telles que piquages, incisions, éraflures et cautérisations.  

Les mutilations génitales féminines/l’excision sont exécutées par les praticiens médicaux traditionnels, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui ont hérité du métier d’exciseur/euse, barbiers, herboriste, membres d’associations (religieuses) secrètes et de certaines familles ou classes sociales, accoucheurs traditionnels, sages-femmes, infirmiers/ières et médecins.

Plusieurs desdits “circonciseurs” traditionnels n’ont point ou rien qu’une formation minimale ni de connaissances en anatomie ou de techniques chirurgicales.

Les instruments utilisés (tels que des couteaux, des lames, des morceaux de verre, pierres tranchantes ou ciseaux), les conditions sanitaires dans lesquelles on opère (l’utilisation/ la non-utilisation d’instruments stériles et d’anesthésie), la condition de la jeune fille (son état de santé, sa lutte au moment de l’excision) et la possibilité de soins médicaux préventifs ou à posteriori (par exemple : injections contre le tétanos, des médicaments pour soigner la blessure et l’hémostase et la proximité de services de soins post-opératoires) sont des facteurs qui peuvent contribuer aux conséquences des MGF/E sur la santé.

Dans de nombreux pays, la pratique du mariage précoce et forcé revient à mettre un prix sur la virginité de la femme. Dans les pays où une dot est versée au moment du mariage, les familles des futurs maris n’entament même pas de négociations si la femme n’a pas été excisée.

Quelques chiffres :

Entre 2008 et 2011, plus de 20% des demandeuses d’asile en France étaient originaires de pays où se pratique l’excision.

Les MSF sont une pratique courante dans 29 pays d’Afrique et du Moyen-Orient.

Au Pakistan, 70% des filles sont mariées avant l’âge de 16 ans.

En Somalie, au Mali et en Egypte, plus de 90% des femmes de 15 à 49 ans ont été soumises à une forme de MSF. 

130 000 personnes sont concernées par les MSF et 60 000 filles de moins de 15 ans sont potentiellement en danger (les complications comprennent des lésions aux organes, des infections persistantes et d’intenses douleurs à vie).

Au moins 200 millions de filles et de femmes résidant dans 30 différents pays auraient été excisées, selon un nouveau rapport statistique publié par le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF), la moitié d'entre elles vivant en Égypte, en Éthiopie et en Indonésie.

 


Quelques éléments explicatifs de cette MGF :

La pratique de l’excision existe depuis 26 siècles ; elle est en recul mais demeure et repose sur différents éléments variant selon les régions et les ethnies :

Les mythes : Dans certaines ethnies, on pense que le clitoris menace le pénis et pourrait provoquer l’impuissance (Burkina Faso, Mali) ou menace l’enfant à naître (Nigeria).

Le rite de passage de l’enfance à l’âge adulte : L’excision est plus souvent individuelle, mais dans certaines régions, le rite de passage persiste et l’excision y est toujours collective comme en Guinée-Conakry.

L’hygiène

Les religions : Toutes les religions sont concernées par les MSF ; des chrétiens, des musulmans, des juifs falashas, des animistes pratiquent l’excision. Cependant, il n’existe aucune trace de cette pratique dans les textes religieux, notamment dans les religions dites du «Livre». Parfois une fatwa est édictée pour dire que l'excision est interdite (Mauritanie, Egypte), parfois c'est l'inverse (Indonésie, Thaïlande).

Mécanismes d’exécution communautaire : Dans certaines ethnies, on refuse d'épouser ou de s’adresser à une femme non excisée. Au Sénégal, les wolofs ne pratiquent pas l’excision mais si une femme wolof vit dans une région où cela se pratique beaucoup, elle se fera exciser afin d’éviter l’ostracisme. « Quand vous êtes dans un environnement où l’excision est la norme, c’est très dur d’être marginal-e. »

 Le châtiment divin : Au sein de sociétés secrètes comme au Sierra Leone, les femmes plus âgées initient les jeunes femmes par différents rites dont l’excision peut faire partie. Une femme refusant d’entrer dans ces sociétés, peut être menacée, voire tuée.

Le maintien de l’honneur familial : L'excision permettrait le maintien de la virginité et de la chasteté, garantissant ainsi l’honneur de la famille.

Le contrôle de la sexualité féminine

Pour apprécier la situation dans laquelle se trouve une femme menacée d’excision, il faut avoir une analyse assez fine. La nationalité n'est jamais un indicateur, l'ethnie ne suffit pas. Il faut réfléchir en termes de zone géographique.

En effet, au niveau de la nationalité, les écarts de prévalence de MSF sont considérables au sein des pays.

Par exemple, au Sénégal, au niveau national le taux de prévalence est de 26% mais, dans certaines régions, la prévalence dépasse les 80 – 90%. Les filles et femmes wolofs et peules sont exposées différemment aux MSF, en fonction de leur région.

Il faut également réaliser que des taux de prévalence similaires apparaissent au-delà des frontières nationales : il peut exister des liens entre des ethnies dont les noms diffèrent au-delà des frontières.

Aujourd’hui cependant, les études démographiques et de santé ne permettent pas de descendre au niveau des villages, mais au niveau régional (et éventuellement au niveau des zones urbaines). « Il faut rester très prudents quand on confirme ou infirme le récit d’une demandeuse d’asile, car il y a beaucoup de critères qui entrent en ligne de compte ».

La pratique de l'excision peut également reposer sur des données sociologiques :

Âge : On dit souvent que l’excision est pratiquée dans l’enfance, ce qui est vrai dans une grande majorité des cas. Mais si on considère qu’il s’agit seulement d’un rite pratiqué avant les 5 ans, on risque de penser que le risque est faible pour des personnes plus âgées et de mal apprécier la situation d’une demanderesse alors que dans certaines ethnies, l’excision tardive persiste, notamment avant le mariage. Par exemple, en Côte d’Ivoire, 8% des femmes sont excisées à 15 ans et plus.

Religion : Il ne faut pas croire que seules les musulmanes sont concernées par les MSF ; cette pratique transcende les religions. En Guinée-Conakry, par exemple, l’excision est pratiquée chez les chrétiens, les musulmans et les animistes.

Niveau d’éducation : A partir du moment où elles ont atteint le niveau collège, on considère que les femmes sont en mesure de prendre position et de lutter contre la pratique. Toutefois ce n’est pas parce que les fillettes sont envoyées à l’école ou que les femmes ont reçu une éducation qu’elles ne risquent pas d’être victimes de MSF. En Égypte, au Mali, en Guinée Conakry, la prévalence est très forte malgré les études primaires et secondaires.

Automaticité : Une femme qui a subi une excision ne fera pas forcément subir la même chose à sa fille.

Pratique rurale :La pratique se retrouve davantage en zone rurale qu’en zone urbaine, mais ce n’est pas le cas partout. Par exemple, la prévalence est plus élevée dans les villes que dans les campagnes au Nigeria et au Yémen.

Désintérêt des hommes : Les hommes ont un rôle à jouer dans le maintien ou l'abandon de la pratique ; ils y sont de plus en plus opposés. Des hommes peuvent aussi être concernés et vouloir protéger leurs filles et donc encourir des risques.

Aspect générationnel : Les jeunes ne sont pas forcément plus opposés à la pratique que les anciens. La diversité des éléments épidémiologiques, anthropologiques et sociologiques.


Les principes législatifs des mineures protégées contre la menace de mutilation génitale et leurs parents

L’article L. 752-3 du CESEDA consacre un contrôle, existant depuis juillet 2009, en énonçant dans son 1er alinéa que « lorsqu'une protection au titre de l’asile a été octroyée à une mineure invoquant un risque de mutilation sexuelle, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, tant que ce risque existe et tant que l’intéressée est mineure, lui demande de se soumettre à un examen médical visant à constater l’absence de mutilation. L’Office transmet au procureur de la République tout refus de se soumettre à cet examen ou tout constat de mutilation ».

Au moment où l’accord est notifié, « une information préventive relative aux conséquences médicales et judiciaires des mutilations sexuelles est fournie aux parents ou aux tuteurs légaux de la mineure protégée ».

Un certificat médical attestant de l’intégrité physique des jeunes filles protégées pour garantir une protection maximale est sollicité par la suite sur une base quinquennale, conformément à l’article L. 751-3 al. 3 du CESEDA qui énonce que « l’Office doit observer un délai minimal de trois ans entre deux examens, sauf s’il existe des motifs réels et sérieux de penser qu’une mutilation sexuelle a effectivement été pratiquée ou pourrait être pratiquée »

En cas de non réception du certificat médical, le procureur est averti par l'Office. Il en est de même des services préfectoraux.

Si à l’occasion du traitement du dossier, il apparaît qu’une enfant a été excisée, l'Ofpra procède à un signalement sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénal. Conformément à l’article L. 752-3 al. 2, « aucun constat de mutilation sexuelle ne peut entraîner, à lui seul, la cessation de la protection accordée à la mineure au titre de l’asile ».

Bien qu'en France, le cadre juridique entourant la situation des fillettes risquant de subir des MSF est relativement bien tracé. C’est différent pour les parents.

La Convention de Genève de 1951, sur laquelle on s’appuie aujourd’hui, est un instrument juridique historiquement daté qui a été rédigé initialement afin de donner un statut aux personnes victimes de faits antérieurs à 1951.

Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle est dépourvue de plasticité permettant au juge d’appréhender d’autres situations. La pratique de l’excision quant à elle, n’a été prise en compte que tardivement, même par les organisations internationales ; c’est en 1952 qu’intervient la prise de conscience du phénomène de l’excision (première résolution de l'Assemblée Générale de l'ONU et prise de conscience internationale).

Donc le cadre n’avait pas été créé pour cela initialement; cependant parmi les cinq motifs de persécution dans la Convention de Genève (nationalité, ethnie, religion, groupe social, politique) on peut en retenir trois en matière d’excision : la religion, l’appartenance à un certain groupe social, l’opinion politique.

Le motif religieux n’est pas satisfaisant car, même si des croyances religieuses peuvent entrer en ligne de compte dans la pratique de l’excision, retenir ce motif c’est méconnaître la réalité de cette pratique qui est davantage sociétale, culturelle que religieuse.

L’appartenance à un certain groupe social est une catégorie floue (les travaux préparatoires à la Convention de Genève ne permettent pas d’avoir une définition. Il se peut que ses rédacteurs visaient les membres de la bourgeoisie dans les pays d’Europe de l’est, les homosexuels, les malades mentaux).

Cependant, cette catégorie ne peut contenir tous les autres cas non visés par les autres critères de la Convention.

Il est clairement admis par le Conseil d’État, depuis son arrêt du 21 décembre 2012 (n° 332491, décision Fofana), que les fillettes risquant de subir des MSF peuvent être regardées comme constituant un groupe social, lorsque les MSF sont couramment pratiquées au point de constituer une norme sociale dans le pays d’origine, sans qu’il soit nécessaire de revendiquer cette appartenance. Le Conseil d’Etat dit que pour appartenir à un groupe social on n’a pas besoin de le revendiquer, de le réclamer, ou - dans le cas d’une excision - d’avoir manifesté publiquement son rejet de la pratique. Il faut par ailleurs que soient apportés des éléments circonstanciés, notamment familiaux, géographiques, sociologiques, relatifs aux risques encourus personnellement pour prétendre au statut de réfugié.

Dans l’avis n°368676 du 20 novembre 2013 (concernant les parents de fillettes menacées d’excision), le Conseil d’État a considéré qu’il ne résultait ni des stipulations de la Convention de Genève, ni des principes généraux du droit applicables aux réfugiés, que le statut de réfugié doive être accordé aux parents d'une enfant ou d'une jeune fille mineure ayant obtenu le statut de réfugié en raison de risques de MSF encourus dans le pays dont elle a la nationalité du seul fait que le statut ait été reconnu à leur enfant et indépendamment des risques de persécutions qu'ils pourraient faire personnellement valoir.

Pour les parents, il faut donc chercher à appliquer les critères de la Convention. Le Conseil d’État n’exclut pas, par principe, l’appartenance à un groupe social pour les parents s’opposant à la pratique mais il faut apporter des éléments concernant les risques personnels de persécutions, or ce n’est souvent pas le cas pour les parents des enfants à risque d’excision.

Dans l’arrêt n°332492 du 21 décembre 2012, l’octroi du statut de réfugié avait été refusé à la mère car elle vivait en France où elle avait donné naissance à sa fille. Il avait donc été considéré qu’en appliquant les normes locales occidentales, les risques encourus par la mère n’étaient pas établis car la charge transgressive de l’absence d’excision de sa fille était moindre que pour une personne immergée dans une société pratiquant l’excision.

L’opinion politique : le Conseil d’État ne s’est pas encore prononcé sur la question de savoir si l’opposition à la pratique de l’excision peut être considérée comme une opinion politique. Mais qu'il faut prendre en considération un arrêt du Conseil d’état de 2009 dans lequel l’opposition à un mariage forcé en Turquie a été considérée comme relevant d’un conflit familial

La prise en compte des mutilations génitales féminines pour l'octroi d'une protection internationale est, en Belgique comme en France, le fruit d'une évolution récente. Ce n'est qu'en mars 2002 que la juridiction qui était alors compétente, la Commission permanente de recours des réfugiés, a pour la première fois reconnu que la mutilation génitale féminine constituait une persécution en soi. Ce n'étaient dès lors plus uniquement les représailles du fait de l'opposition à l'excision qui pouvaient justifier une crainte d'être persécuté mais la mutilation génitale qui était, en elle-même, définie comme une persécution. Cette jurisprudence a été rappelée par la suite à plusieurs occasions et reprise à son compte par l'actuel Conseil du contentieux des étrangers. La Cour européenne des droits de l'Homme qualifie également les MGF de traitement contraire à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme.


 

La différenciation du sort de la mère de celui de sa fille

 La mère a-t-elle des raisons de craindre?

Même sans avoir à prendre en compte ces cas exceptionnels ou les cas de risque de nouvelle mutilation pour la mère, la jurisprudence du Conseil du contentieux a longtemps permis d'éviter d'avoir à dissocier l'examen de la demande faite au nom de la fille et celui de la demande des parents, grâce à l'utilisation pour ces derniers du critère des opinions politiques.

Mais ce critère ne pouvait être appliqué que pour autant qu'il fût admis que l'opposition aux MGF était perçue dans le pays d'origine comme une forme de déviance, de dissidence culturelle, susceptible d'attirer de sévères mesures de rétorsion à celui qui s'en rendait coupable.

Or, en 2014, la jurisprudence a connu une évolution marquante à cet égard. Des rapports récents du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides sur la Guinée sont, en effet, venus mettre en doute la réalité ou plutôt l'actualité des mesures de rétorsion dans ce pays à l'égard des parents réfractaires à l'excision: l'excision aurait cessé d'y être un tabou.

Il ne serait plus tenu pour intolérable dans la société guinéenne que certains parents refusent d'y soumettre leurs filles. Le Commissaire général en avait dans un premier temps déduit que puisqu'il devenait possible de soustraire ses enfants à l'excision sans courir de risque d'opprobre, le risque d'être excisée de force avait disparu.

Le Conseil du contentieux des étrangers ne l'a pas suivi sur ce point. Il continue de considérer, notamment, que le taux de prévalence est tel qu'il suffit à démontrer la persistance d'un risque objectif très élevé qu'une fille y soit soumise, avec ou sans le consentement de ses parents.

En revanche, le CCE a admis que les informations communiquées par le Commissaire général étaient bien de nature à démontrer l'absence de risque généralisé de persécution à l'encontre de parents s'opposant à l'excision. Certains arrêts ont donc dissocié le statut de la mère de celui de l'enfant, l'enfant étant reconnu et la mère n'obtenant pas de protection.

 L'excision de l'enfant est-il une persécution de la mère?

Le Conseil d'Etat a été saisi d'un recours contre un de ces arrêts du CCE. Et il a cassé l'arrêt au motif que celui-ci ne s'est pas prononcé sur le bien-fondé de la crainte de la mère en ce qu'elle "invoquait explicitement, à titre de risque de persécution personnel, le risque d’excision auquel était exposée sa petite fille en cas de retour au pays".

En d'autres termes, le Conseil d'Etat demandait au CCE d'apprécier si l'excision de l'enfant peut être considérée comme étant aussi une persécution de la mère.

Dans les cas où le problème se pose, il reconnaît la qualité de réfugié à l'enfant et, pour le surplus, il annule la décision du Commissaire général en lui renvoyant le dossier pour qu'il examine séparément la demande de la mère.

Et il semble que le Commissaire général reconnaisse dans ce cas à la mère la qualité de réfugiée en faisant, de facto, usage d'une acception large du principe du regroupement familial. Pourtant, dans son arrêt du 25 juin 2009 le CCE avait, en réalité, déjà abordé la question de la persécution indirecte des parents du fait de la mutilation de leur enfant. Citant les principes directeurs du HCR, il donnait, à l'époque, comme exemple de persécution des parents le fait d'être obligés d'être les témoins de la souffrance infligée à leur enfant. Mais si l'on admet que cette souffrance infligée à l'enfant est aussi une persécution des parents, il reste à en définir le motif, car ce n'est certes pas du fait des opinions des parents que l'enfant est excisée…


 

Le rôle des éléments médicaux dans l’appréciation des risques de persécution
 

Le certificat médical est une pièce importante dans l’appréciation des persécutions passées et de risques de persécution. Celui-ci contient des éléments essentiels :

Déroulement : c’est un récit de vie, tel que donné par la victime. Souvent les parcours sont complexes, les violences multiples (physiques, psychologiques, sexuelles). L’excision n’est généralement pas une violence isolée mais associée. Il n’est pas rare d’entendre des récits de femmes excisées à sept ans puis adoptées à la mort de leurs parents, battues, insultées, mariées de force et violées.

Doléances : il s’agit des plaintes, du ressenti de la personne par rapport à ce qu’elle a vécu (douleurs, peur, cauchemars, perte d’appétit, impossibilité de faire telle ou telle action). Les personnes peuvent avoir plus ou moins de difficultés à exprimer ce qu’elles ressentent. Cela représente un problème car on pourrait penser que les événements n’ont pas eu d’impact sur les personnes alors qu’elles ont en réalité un profond traumatisme.

Examen clinique : on prend en compte la taille, le poids, et aussi les soins que la personne a déjà reçus. Mais souvent ces gens ont fui leur pays et n’ont pas pris leur dossier médical. Les photos des patients sont parfois rejetées car elles ne sont pas forcément probantes, notamment quand elles représentent des gros plans rendant impossible l’identification de la personne.

Examen physique général : on examine le patient en lien avec les propos tenus auparavant et on recherche des lésions en concordance avec le récit. On fait éventuellement des photos à ce stade et concernant des récits de violences sexuelles on fait un examen génito-anal. Sur la base d’une évaluation basique de l’état psychologique, le médecin peut proposer un traitement psychiatrique ou un suivi psychologique.

Conclusions du certificat : les conclusions sont une reprise de ce qui a été constaté pendant les examens, de l’établissement de la compatibilité (ou non) des lésions avec les différents mécanismes de violences alléguées par la personne et le récit des violences subies. La clef de voûte est la compatibilité ou non des lésions avec le récit des violences subies. Cela peut être compliqué, notamment quand les cicatrices sont anciennes. Il faut également évaluer le retentissement de gênes fonctionnelles (gênes sexuelles, déambulation). 

 


Les conséquences des MGF/E pour la santé et le bien- être des jeunes filles et des femmes

A la clitoridectomie, l’excision et les infibulations, au moment même de l’excision ou immédiatement suite à l’excision, l’on associe des infections, de la rétention urinaire, de fortes douleurs, des chocs, des saignements et hémorragies et parfois même la mort.

Les saignements et hémorragies sont causés par exemple quand on ampute le clitoris, ce qui implique une coupure à travers l’artère clitoral, caractérisé par un flux intense et une forte pression. Si l’hémorragie est intense et ne peut être contrôlée, elle peut mener à la mort. Les jeunes filles peuvent tout aussi bien souffrir de choc suite à la perte soudaine et intense de sang et/ou à la douleur atroce suite à la coupure/l’excision. La rétention d’urine se produit suite à la douleur et la sensation de brûlure de l’urine sur la coupure à vif, suivant les blessures causées à l’urètre et les tissus qui l’entourent et dans le cas des infibulations, suite à l’obturation presque complète de l’orifice vaginal.

Les infections telles les infections de l’appareil urinaire, se produisent suite à la rétention de l’urine, ou à l’utilisation de matériel non-stérilisé ainsi que l’application de pansements locaux comprenant les fèces d’animaux et des cendres. Les organismes infectieux peuvent facilement remonter par le petit urètre jusqu’à la vessie et jusqu’aux reins. La mort a lieu suite au choc hémorragique ou septique, le tétanos et le manque de soins médicaux sur place ou est causée par le retard de l’arrivée des services d’assistance.

Les complications à long terme comprennent des douleurs chroniques et des infections telles que des infections chroniques du bassin/pelvis ou des infections urinaires qui peuvent monter jusqu’aux reins. L’excision de tissus génitaux en bonne santé peut influencer la sensibilité sexuelle et la qualité des rapports sexuels des hommes et des femmes. Surtout la douleur, le tissu cicatriciel et les souvenirs traumatisants de l’excision peuvent engendrer des problèmes sexuels, y compris des rapports sexuels douloureux. Les conséquences psychologiques telles que le syndrome de stress post-traumatique, l’anxiété, la dépression et les pertes de mémoire ont été présentés de façon détaillée .

Une étude menée dans plusieurs pays par l’OMS sur des femmes qui ont fréquenté des centres obstétriques en 6 pays Africains, a montré que les accouchements des femmes ayant subi la MGF/E se présentent de façon considérablement plus compliqués, avec des césariennes, des saignements postpartum et des ruptures périnéales. Cette étude nous a également montré les risques accrus de réanimation du bébé et la mort périnatale dans les nouveau-nés de femmes qui ont été victimes d’excisions. La formation de fistules, suite à un accouchement difficile, peut également être une conséquence des MGF/E . 

Les répercussions sont toutes aussi importantes en particulier quand elles sont vécues par des individus très jeunes (conséquences psycho-traumatiques)

Même une femme excisée lorsqu’elle était bébé/ enfant peut avoir une mémoire traumatique.

En effet, le fait de comprendre ce qui se passe au moment de la violence permet de contrôler le stress. Mais, pour les très jeunes enfants qui vivent un traumatisme, il y a une impossibilité de comprendre et donc de contrôler le stress ressenti. Le cerveau de l’enfant peut alors déclencher un mécanisme de sauvegarde exceptionnel pour éteindre de force la réaction émotionnelle afin que la victime cesse de ressentir la douleur.

Cette première étape est appelée sidération, c’est un blocage lors de la violence. Puis intervient la deuxième étape, la dissociation traumatique qui permet de survivre mais dans un état second. La personne a l’impression d’être déconnectée, en dehors de son corps, spectateur de l’événement. Cette dissociation s’accompagne d’une rupture avec la partie du cerveau liée à la mémoire spatio-temporelle, ce qui rend difficile pour les victimes de décrire les événements.

Cette dissociation peut durer longtemps (des jours, des mois, voire des années) en fonction de la durée de la confrontation à la situation de violence. Le docteur explique que face à une personne « dissociée », on ne ressent pas sa douleur. La déconnexion avec la souffrance peut avoir des conséquences en matière de prise en charge, la victime risque de ne pas être soignée de manière adéquate.

Les femmes excisées qui voient leurs enfants risquant à leur tour d'être excisées réagissent de deux manières différentes :

 Elles sont dissociées, elles ne réagissent plus.

 Elles ne sont pas dissociées et revivent de nouveau un traumatisme (revécu face à la fillette) Lorsque la personne se trouve en sécurité, la dissociation va s’atténuer et c’est à ce moment-là qu’il y aura un risque d’allumage de la mémoire traumatique. Les personnes vont donc développer des stratégies d’évitement ou de contrôle. Elles peuvent aussi chercher à se mettre en danger et se faire souffrir pour éviter de revivre la première souffrance. 

Pour une personne ayant subi une excision, on constate des traces neurologiques des décennies après les faits (IRM fonctionnelle, amoindrissement de la zone corticale). 100% des enfants excisées développent des troubles traumatiques. 

La protection est un absolu total pour permettre une réparation : si les personnes sont toujours exposées à un risque, on ne peut pas les aider. Mais si elles sont protégées, on peut les libérer de leurs histoires et même obtenir un phénomène de neurogènese.

Source : Intervention du 13 avril 2015 - Excision et crédibilité de la demande d'asile - Université Panthéon Assas Paris II 

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