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Les principes législatifs des mineures protégées contre la menace de mutilation génitale et leurs parents

L’article L. 752-3 du CESEDA consacre un contrôle, existant depuis juillet 2009, en énonçant dans son 1er alinéa que « lorsqu'une protection au titre de l’asile a été octroyée à une mineure invoquant un risque de mutilation sexuelle, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, tant que ce risque existe et tant que l’intéressée est mineure, lui demande de se soumettre à un examen médical visant à constater l’absence de mutilation. L’Office transmet au procureur de la République tout refus de se soumettre à cet examen ou tout constat de mutilation ».

Au moment où l’accord est notifié, « une information préventive relative aux conséquences médicales et judiciaires des mutilations sexuelles est fournie aux parents ou aux tuteurs légaux de la mineure protégée ».

Un certificat médical attestant de l’intégrité physique des jeunes filles protégées pour garantir une protection maximale est sollicité par la suite sur une base quinquennale, conformément à l’article L. 751-3 al. 3 du CESEDA qui énonce que « l’Office doit observer un délai minimal de trois ans entre deux examens, sauf s’il existe des motifs réels et sérieux de penser qu’une mutilation sexuelle a effectivement été pratiquée ou pourrait être pratiquée »

En cas de non réception du certificat médical, le procureur est averti par l'Office. Il en est de même des services préfectoraux.

Si à l’occasion du traitement du dossier, il apparaît qu’une enfant a été excisée, l'Ofpra procède à un signalement sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénal. Conformément à l’article L. 752-3 al. 2, « aucun constat de mutilation sexuelle ne peut entraîner, à lui seul, la cessation de la protection accordée à la mineure au titre de l’asile ».

Bien qu'en France, le cadre juridique entourant la situation des fillettes risquant de subir des MSF est relativement bien tracé. C’est différent pour les parents.

La Convention de Genève de 1951, sur laquelle on s’appuie aujourd’hui, est un instrument juridique historiquement daté qui a été rédigé initialement afin de donner un statut aux personnes victimes de faits antérieurs à 1951.

Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle est dépourvue de plasticité permettant au juge d’appréhender d’autres situations. La pratique de l’excision quant à elle, n’a été prise en compte que tardivement, même par les organisations internationales ; c’est en 1952 qu’intervient la prise de conscience du phénomène de l’excision (première résolution de l'Assemblée Générale de l'ONU et prise de conscience internationale).

Donc le cadre n’avait pas été créé pour cela initialement; cependant parmi les cinq motifs de persécution dans la Convention de Genève (nationalité, ethnie, religion, groupe social, politique) on peut en retenir trois en matière d’excision : la religion, l’appartenance à un certain groupe social, l’opinion politique.

Le motif religieux n’est pas satisfaisant car, même si des croyances religieuses peuvent entrer en ligne de compte dans la pratique de l’excision, retenir ce motif c’est méconnaître la réalité de cette pratique qui est davantage sociétale, culturelle que religieuse.

L’appartenance à un certain groupe social est une catégorie floue (les travaux préparatoires à la Convention de Genève ne permettent pas d’avoir une définition. Il se peut que ses rédacteurs visaient les membres de la bourgeoisie dans les pays d’Europe de l’est, les homosexuels, les malades mentaux).

Cependant, cette catégorie ne peut contenir tous les autres cas non visés par les autres critères de la Convention.

Il est clairement admis par le Conseil d’État, depuis son arrêt du 21 décembre 2012 (n° 332491, décision Fofana), que les fillettes risquant de subir des MSF peuvent être regardées comme constituant un groupe social, lorsque les MSF sont couramment pratiquées au point de constituer une norme sociale dans le pays d’origine, sans qu’il soit nécessaire de revendiquer cette appartenance. Le Conseil d’Etat dit que pour appartenir à un groupe social on n’a pas besoin de le revendiquer, de le réclamer, ou - dans le cas d’une excision - d’avoir manifesté publiquement son rejet de la pratique. Il faut par ailleurs que soient apportés des éléments circonstanciés, notamment familiaux, géographiques, sociologiques, relatifs aux risques encourus personnellement pour prétendre au statut de réfugié.

Dans l’avis n°368676 du 20 novembre 2013 (concernant les parents de fillettes menacées d’excision), le Conseil d’État a considéré qu’il ne résultait ni des stipulations de la Convention de Genève, ni des principes généraux du droit applicables aux réfugiés, que le statut de réfugié doive être accordé aux parents d'une enfant ou d'une jeune fille mineure ayant obtenu le statut de réfugié en raison de risques de MSF encourus dans le pays dont elle a la nationalité du seul fait que le statut ait été reconnu à leur enfant et indépendamment des risques de persécutions qu'ils pourraient faire personnellement valoir.

Pour les parents, il faut donc chercher à appliquer les critères de la Convention. Le Conseil d’État n’exclut pas, par principe, l’appartenance à un groupe social pour les parents s’opposant à la pratique mais il faut apporter des éléments concernant les risques personnels de persécutions, or ce n’est souvent pas le cas pour les parents des enfants à risque d’excision.

Dans l’arrêt n°332492 du 21 décembre 2012, l’octroi du statut de réfugié avait été refusé à la mère car elle vivait en France où elle avait donné naissance à sa fille. Il avait donc été considéré qu’en appliquant les normes locales occidentales, les risques encourus par la mère n’étaient pas établis car la charge transgressive de l’absence d’excision de sa fille était moindre que pour une personne immergée dans une société pratiquant l’excision.

L’opinion politique : le Conseil d’État ne s’est pas encore prononcé sur la question de savoir si l’opposition à la pratique de l’excision peut être considérée comme une opinion politique. Mais qu'il faut prendre en considération un arrêt du Conseil d’état de 2009 dans lequel l’opposition à un mariage forcé en Turquie a été considérée comme relevant d’un conflit familial

La prise en compte des mutilations génitales féminines pour l'octroi d'une protection internationale est, en Belgique comme en France, le fruit d'une évolution récente. Ce n'est qu'en mars 2002 que la juridiction qui était alors compétente, la Commission permanente de recours des réfugiés, a pour la première fois reconnu que la mutilation génitale féminine constituait une persécution en soi. Ce n'étaient dès lors plus uniquement les représailles du fait de l'opposition à l'excision qui pouvaient justifier une crainte d'être persécuté mais la mutilation génitale qui était, en elle-même, définie comme une persécution. Cette jurisprudence a été rappelée par la suite à plusieurs occasions et reprise à son compte par l'actuel Conseil du contentieux des étrangers. La Cour européenne des droits de l'Homme qualifie également les MGF de traitement contraire à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

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